lundi 28 février 2011

Se laisser pousser

C'est le ciel qui m'a foutue dehors ce matin
Encore
Lui
Et ses faux airs de cinéma
Son grand format
Ses couleurs retouchées
Tout son fard
C'est lui qui m'a attirée à la fenêtre
M'a faite grimper sur le toit
Il faisait froid putain
Mais j'avais du coeur à revendre
Et une inspiration à retrouver
Dans le ciel
C'est bien ça
C'est là qu'ils se cachaient
Les mots
Les formulations magiques
Et lui qui étalait son ruban
Faisait briller mes yeux
J'avais bien fait de me lever tôt
De quitter le foyer fumant
De me cailler sur le toit humide
De me planter le nez dans le vent
J'avais bien fait
Et maintenant
J'attends le prochain ciel

ça va passer

Elle a quatorze ans et un chagrin d'amour qui coule sous son manteau
Ils se moquent d'elle quand elle nomme son disparu
Son amour impossible
Sa tête de jeune con
Parce qu'il flambe au bras d'une autre princesse à boutons
Qu'il nargue ses larmes dans la cour de récréation
Qu'il les épingle à son blouson, comme un trophée
Au nez et à la barbe des parents
Qui contemplent le cœur déserté des jeunes filles emballées
Qui ne trouvent rien d'autre à faire que de soupirer
En attendant que ça passe.

dimanche 27 février 2011

Février

C'est le vide partout
Qui crisse sous la dent
Glisse le long de l'épiderme
Qui veut entrer
Dedans
C'est celui qui frappe à ma porte
Sans que je puisse lui ouvrir
Qui roule sur le trottoir
Écrase le thorax
C'est le vide
Partout
Dans les consciences gelées de février
Qui se promènent dans des poussettes aux pneus crevés
Malmenées par des nounous troublées
Pour un vin doux
Un qui réchauffe
En attendant l'été
C'est le vide
Pour tous
Même ceux qui se méfient
S'abritent sous des terrasses chauffées
Se laissent distraire par des bouts de soleil
Même ceux
Qui font des ronds dans l'eau glacée
Toujours les mêmes cercles
Même pour moi
Qui finissait par trouver le temps rond

samedi 26 février 2011

Le boucher

Ce matin j'ai trouvé que les gens roulaient vite
En sortant de chez le boucher
J'ai rasé les murs
Le sac en plastique pendait à mon bras
Lourd
Me déséquilibrait
Mon gîte à la noix
Ma poitrine séchée
Je pensais à mes recettes
Et les voitures défilaient
Leur vitesse
Ma lenteur
J'ai eu peur de basculer
De finir en pot-au-feu sur le bitume
De voir le boucher hurler sous son enseigne
Son tablier taché
Les pompiers fâchés
Tout rouge
Je ne veux pas finir dans le sang
Je veux rentrer chez moi
Faire mijoter
Tartiner
Cheminer
Plus que quelques mètres
On ne nous apprend pas à faire nos derniers pas

mercredi 23 février 2011

Liste de trucs à pas faire

Mettre de l'huile sur le feu
Jeter le bébé avec l'eau du bain
Avoir sa langue dans la poche
Mettre ses doigts dans la porte
Réveiller un flic qui dort
En avoir gros sur la patate
Mettre sa main à couper
Prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages
Avoir d'autres chats à fouetter
Mettre la charrue avant les bœufs
Donner de la confiture à des cochons
Avoir l'air de ne pas y toucher
Se mettre le doigt dans l'oeil
Vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué
Avoir la gueule de bois
Mettre de l'eau dans son vin
Boutonner samedi avec dimanche
Avoir plusieurs cordes à son arc
Finir en queue de poisson

mardi 22 février 2011

Recette

Faire un roux
Siroter une blonde
Se griller une brune
Laisser mijoter

Bobonne

Elle s’est déguisée en paquet-cadeau
Tu as sorti ta plus belle monture
Vous allez rutiler au restaurant
Vous prendre les mains sous les bulles
Puis
Tu vas la raccompagner
Mais juste avant
Ta voiture avalera sa vertu
C’est que tu l’as payé cher ce resto
Et puis tu sais que
Comme à chaque fois
Sous le paquet-cadeau
Bonbon aura revêtu sa tenue de satin
Entrevue l’autre matin en vitrine spécialisée
Avec les cœurs autour
Ça va crisser sur les sièges en simili
Elle va crier un peu
Tu vas te laisser perdre ton latin
Vous savez tous les deux
Demain
Bobonne aura remis son costume monotone
Celui dans lequel tu l’as épousée
Mais ce soir c’est fête
C’est Bobonne qu’on assassine !

lundi 21 février 2011

Négociation de printemps

Le ciel, fatigué
Le temps, agité
Je suis restée chez moi
J'ai rangé les carnets, plié les papiers
Raccordé les wagons
Dans le ciel, ça ne s'arrangeait pas et les arbres préparaient la révolte
Alors j'ai mis du vent dans ma théière
De l'eau dans mon vin
Pris mon courage à deux mains
Et je me suis présentée à la porte des nuages avec mon paquet bien ficelé
Ma tronche de cake et mon thé fumant
Tremblante à l'idée d'essuyer un refus
Le ciel s'est déridé, devenu miel
Vous prendrez
Combien de grêlons ?
Un nuage de lait ?
Dans le parc, les arbres ont repris leurs étirements

dimanche 20 février 2011

Un coin de parapluie

Dans les plis de la pluie il m'a plu de te plaire
Mais désormais
Plus rien
Je me promène nue sous les branches des pins
À la recherche de mes souvenirs
Car plus rien de toi
Et je n'y vois goutte
Et j'ai tellement soif

lundi 14 février 2011

Post-it

À l'homme qui rentrera tard ce soir il est délivré ce message subtil :
Soupe
Quenelles
½ pamplemousse
¾ de baiser grillé

Flâner le long de mes berges

Quand j'enfourche mon vélo
Sans savoir jusqu'où la piste va me balancer
Que mes cheveux battent leurs grands airs
Que mes yeux se piquent de pleurer le soleil couchant
Quand la Garonne me klaxonne parce que je prends mon temps
Que je flâne le long de mes berges
J'ai quatorze ans

dimanche 13 février 2011

Sur le fil

Ainsi, je suis passagèrement toquée.
Ainsi, je pourrais bien être : maniaco-enjouée. Dingue de bonheur. Folle de mes faiblesses. Siphonnée de plomberie. Fêlée de beauté. Hallucinée de bitume. Détraquée d'horloges. Azimutée de travail. Cinglée de gifles. Fondue de beurre. Frappée de Whisky. Maboul de pétanque. Marteau de piqûres. Piquée des abeilles. Zinzin de Zorro. Gaie comme un pinson. Éprise d'asticots...

samedi 12 février 2011

Au mois de juillet

On laissera nos conversations s'effilocher pendant des heures en grillant nos cigarettes sous la lune
On raccourcira nos nuits
On éteindra les nuages
Et on ira se coucher
Le matin
On mangera des copeaux de soleil et on se torchera dans les fougères
On nagera dans les histoires de famille en essayant de pas couler
On grappillera quelques graines au goûter
Et le soir
Planqués sous nos tricots
On sifflera sur les voisins
Et puis un jour
Tout ça n'arrivera plus

Un amour de grand-mère

Tu me secoues de baisers poudrés en me serrant fort contre toi
« heureusement que tu m'aimes toi au moins t'es pas comme les autres ! »
Plus tu m'étreins, plus je tire ma tête vers l'arrière, on ne sait jamais, des fois que mon cou serait devenu élastique
Je pourrais éviter l'odeur de géranium sur ton rouge à lèvre et l'amertume de la poudre de riz éparpillée sur tes pommettes
Pas de bol ! Mon cou se limite à ses vertèbres, mon dégoût se prend les pieds dans les lignes cervicales
Il en faudrait beaucoup pour satisfaire ton besoin d'amour
Une tête blonde et filasse comme la mienne n'y suffirait pas, mais c'est à chaque fois sur ma pomme que ça tombe :
Tes baisers, tes boucles mauves, ta boîte à biscuits.
Il me faudrait au moins deux cœurs pour éponger tout ça et pouvoir tout recracher le soir dans la voiture du retour.

Place des Quinconces

Chaque mardi matin, le nez collé à la vitre du tramway je les compte.
Ils vont par grappe.
Tout autour de la place des Quinconces.
J'observe leur manège
Assis, debouts, penchés sur leurs carnets.
Ils vendangent.
Cherchent la scène idéale, l'angle mûr qui va les enivrer.
Certains, quittent la vie en grappe, roulent sur le côté.
Tournent le dos à la place monumentale pour extraire le suc d'un réverbère qui s'est entiché d'un arbre. Petite récolte.
Une fois revenus dans la salle de cours, chacun regagne son chais, et tire son jus sur du papier format raisin.
Les mains se tordent, se nouent, les fronts suent.
Les croquis sont piétinés.
Et le professeur les regarde en se demandant si la promotion de cette année sera une bonne cuvée.

Vue courte

Elle porte une jupe courte et sa chatte sur l'épaule
Ce qui lui va à ravir

Mais je ne peux pas m'empêcher de penser, puis de noter :
Elle porte une chatte courte et sa jupe sur l'épaule
Ce qui lui va tout aussi bien

C'est selon que je balaye la rue d'un regard rébarbatif ou d'un regard imaginatif

Nettoyage du printemps

Le printemps fait la foire, il vient quand il veut. Je vais lui en faire voir. Je nettoie mes placards quand ça me chante. Jette les semaines à la suite des autres dans de grands sacs en plastique bleu nuit. Au ciel les poubelles ramasse les restes de mes industries. Allongée sur mon lit la plus grande partie de mon temps je colle au plafond détritus, fais taire le passé.
Le toxique rase les murs, le périmé se fait poète, les déchets sont pipés.
Au hasard je me remets.
J'attends.
Je termine de nettoyer le printemps.
Après, nous verrons.

vendredi 11 février 2011

Je n'invente rien

Je me promenais dans le jardin botanique. En quête d'abeilles butineuses, de merles moqueurs et de brindilles pour mon nid. Je me promenais dans les allées, seule et je n'ai jamais autant parlé que dans ce moment-là. Il faut dire qu'au printemps, le jardin s'anime et que les conversations vont bon train. Ainsi, j'ai pu bavarder avec ceux qui étaient disposés à me raconter leurs histoires. Je n'invente rien, j'en ai dressé la liste :

Le Citronnier épineux et son voisin L'oranger du Mexique
L'Arbre au liège de l'Amour, toujours seul
La Viorne à feuilles ridées qui se plaint de paraître vieille dès sa naissance
Le Romarin prostré amoureux du Ciste crispé
Un Cerisier acide en bisbille avec un Poirier sauvage
Un Prunier légèrement pileux qui se rince la glotte avec un Cyprès chauve
Et l'Arbre à goupillons qui protège le Pousse en l'air

jeudi 10 février 2011

Substance poétique

Allergène : Substance de nature poétique présente dans l'environnement et à l'origine d'une réaction illogique. La pénétration d'un allergène dans l'organisme entraîne diverses manifestations pathologiques (se mettre à parler en alexandrins, porter une moustiquaire en guise de chapeau, faire des excès de Zéma, avoir des réactions digressives plus ou moins violentes, voire, des réactions cubistes...). Un allergène est quelquefois constitué par l'association de plusieurs substances.

Voici quelques types particulièrement remarquables dont la présence est suspectée dans nos contrées :
- Allergène majeur : allergène qui ayant atteint la majorité est autorisé à conduire sa première mobylette.
- Allergène officiel : allergène élu au suffrage universel reconnaissable à un nombre incalculable de tics. Fait des fautes de français.
- Allergène perannuel : allergène collant, qui ne vous lâche pas d'une semelle, été comme hiver.
- Allergène domestique : petit allergène de compagnie, docile, facile à vivre, très attachant.
- Allergène nouveau : allergène n'ayant jamais servi.

mercredi 9 février 2011

À la bibliothèque

Un vieux monsieur respectable se retourne trop vite, se prend les jambes dans son Loden bleu marine, il n'en croit pas ses lunettes. Elle passe devant lui, blondeur de poupée, jambes qui vont avec et robe ajustée, bleu marine aussi.
Il la suit du désir. Entreprend de parcourir la bibliothèque à reculons.
Elle remarque mais feint de l'ignorer. Il faut dire qu'il est vaseux sous son manteau de nuit. Elle accélère le pas, marquant un peu plus sa courbe. Elle file dans les escalators. Fuit le vieil homme marécageux. Elle se regarde dans le miroir qui trace sa descente vers l'air libre, elle s'interroge. Mais quel appât chez moi à bien pu provoquer cet émoi ? En réalité, elle ne se voit même pas.

lundi 7 février 2011

Nos futurs

Nos tables
Nos blés
Nos blessés
Nos ceurs
Nos cifs
Nos minés
Nos mothètes
Nos sophobies
Nos taire
Nos vellistes
Nos vices

Tout ce bordel à ranger !

dimanche 6 février 2011

Promenade en forêt

Sous le pin j'ai plié mes chagrins, enterré mes chimères.
Balancé mes colliers, dénoué les intrigues.
Sous le pin j'ai travaillé mes peines, enfoncé le clou.
Élancé mes projets, détourné les barrages.
C'est toute droite que je reviens de la forêt.

samedi 5 février 2011

Pays de papier

Courber la Chine
En faire un pays à sa forme
La découper dans des papiers
La traverser en pointillés
Voir le soleil s'éclipser
Tracer du nord au sud
Du niveau de la mer jusqu'à des hauteurs sacrées
Des kilomètres de pensées
Et découvrir ses fleurs, ses fruits, ses brumes, ses ondées
Et puis rentrer.

vendredi 4 février 2011

Ton cinoche du dimanche

Tu essuieras les éclaboussures d'un soleil qui s'est encore pris dans ta chevelure
Tu couleras tes jours heureux sous une épaisse chape de béton
Tu fais ça très bien
Il te restera encore le temps de faire monter de ton ventre des chapelets d'injures que tu enrouleras à ton poignet
En rangs serrés
De lancer un dernier regard vers nos gueules d'enfarinés
De monter sur tes grands chevaux
De balayer les restes d'un doute
Avant de claquer la porte de la cuisine
Et de la fermer pour de bon en te clouant le bec avec un vieux mégot.

Va savoir

Elle aura de grandes jambes taillées pour arpenter le monde et un crayon dans chaque main pour affronter son dessein.
Une bicyclette à ressorts avec des protections contre le bruit imbécile des villes.
Un écoute-forêt penché sur son lit jour et nuit.
Et des pots de yaourt en guise de téléphone.

mercredi 2 février 2011

Dormir tranquille

Tu peux dormir tranquille
Il n'y a pas de cowboy dans cette maison
Pas de bandit de grand chemin posté en embuscade sous le plancher
Pas de vieille tante folle au grenier
Et même si...
J'ai un flingue
Des arts martiaux
Des plumes qui fâchent
Et de l'amour plein le frigo

mardi 1 février 2011

À la tombée du lit

C'était le monde et j'y avais un ancrange, un droit à la noblesse
Une bouée de sauvetage et des feux de détresse
C'était le monde et j'y avais mes attaches
J'avais décidé de m'y enraciner
D'y parier mon sac de billes
D'y fonder une famille
J'aurais pu tout aussi bien abandonner et verser dans l'immonde
Mais j'avais un rang à tenir
Des mailles à monter
Un pull à finir.